Large Plaine

Nous arrêtâmes nos chevaux. Aussi loin que le regard portait, des étendues de GET et de POST se répétaient dans la plaine, ponctuées de quelques DELETE dont la couleur rouge vibrait comme un avertissement.

La compagnie de chemin de fer avait confié à mon père la tâche de dégager ces obstacles que les merdeux de l’administration centrale tenaient quand même à conserver. Il s’agissait de les enlever et de les regrouper selon leur emplacement sur le terrain. Tout ce que je pensais naïvement, c’est qu’on les aurait mis ensemble selon la couleur, mais non !
Il pouvait donc y avoir des GET et des DELETE dans le même tas ?

– « Oui garçon, c’est des APIs REST » répondit le commis qui nous accompagnait.

A quoi pouvaient bien servir ces Apéïs sauvages? Je n’en savais fichtre rien ! Tout ce que je réalisais, en revanche, c’est qu’on avait six jours pour finir le travail. Pas plus.

– « Demande à Swagger de t’aider, il a sa ferme dans la vallée d’à côté » suggéra le commis.
– « J’en ai pas besoin, j’ai l’habitude. » coupa mon père. Être redevable lui aurait mis le ventre à l’envers.

On descella les chevaux et on se mit à l’ouvrage. Il fallait d’abord comprendre les « sympathies » qu’entretenaient ces Post, Get, Delete et Put. Cela revenait à tirer sur l’écheveau de leurs racines pour constater les liens tissés entre ces étrangetés. C’était un travail méticuleux. Je m’écartais instinctivement des Delete, moins par crainte que par superstition. Seul mon père les manipulait avec l’indifférence d’un maquignon. Le commis, lui, m’assomma toute une après-midi avec ses explications sur les Put qu’il affirmait être idempotents. Ça le faisait marrer de penser à une vache gestante à qui on aurait présenté une nouvelle fois le taureau, pour être bien certain, au cas où…

J’étais chargé, quant à moi, des Get, inoffensifs et doux.

A la fin des six jours, tout avait été soigneusement arraché et remisé. Un fonctionnaire passerait plus tard pour vérifier tout ça.
Mon père tira une bouteille de son sac pour fêter les quelques billets qu’il venait de toucher.

Je me retournai une dernière fois avant de partir pour constater avec tristesse que les Apéïs commençaient à sécher sous les hangars. Leurs couleurs avaient déjà viré et les Delete me semblaient déjà moins vénéneux.

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